Plateformes digitales : les piliers du développement numérique de l’Afrique

L’Afrique vit une transformation digitale rapide et les plateformes digitales jouent un rôle clé dans ce bouleversement. Cette « plateformisation », phénomène global observé dans toutes les économies modernes, touche désormais les pays africains, où l’accélération des services numériques devient un enjeu autant stratégique que politique. Les plateformes digitales deviennent ainsi des vecteurs incontournables pour le développement économique, le commerce, l’éducation, l’administration ou encore la santé. Et l’Afrique n’échappe pas à ce phénomène.

À l’instar des autres continents, l’Afrique assiste à une prolifération des plateformes digitales, couvrant de nombreux secteurs. Celles-ci sont souvent des solutions locales adaptées aux réalités africaines, tout en s’inspirant des modèles internationaux comme Uber, Amazon ou Alibaba. Parmi les principales plateformes présentes sur le marché, figure Jumia. Il s’agit de l’une des premières grandes plateformes e-commerce en Afrique, présente dans plusieurs pays comme la Côte d’Ivoire, le Nigeria ou le Kenya. Jumia a permis aux populations locales d’accéder à des milliers de produits, souvent inaccessibles par les moyens traditionnels. La plateforme est numéro 1 du marché en nombre de visiteurs mensuels devant Takealot et Souq (racheté depuis par Amazon).

Moderniser le secteur agricole

Championnes dans le secteur du retail, ces plateformes se développent également dans le milieu agricole, autour de solutions digitales capables notamment de tracer les productions ou encore de surveiller le bétail. Au Bénin par exemple, la Chambre nationale d’agriculture a mis en place acteur-agricole.bj qui permet aux acteurs locaux de trouver des opportunités de financement et de formation.

Toujours au Bénin, les plateformes « Sim » (Système d’information sur le marché) et « Sift » (Système d’information et de formation technique) permettent, pour la première, de collecter, analyser et diffuser en temps réel des informations clés sur une quarantaine de marchés (prix des produits, volume, qualité, etc.) et, pour la seconde, de mettre à disposition des producteurs des outils techniques et pédagogiques sur les bonnes pratiques agricoles. L’ambition étant qu’ils puissent optimiser leur productivité et augmenter leurs revenus.

Logistique : connecter chauffeurs et entreprises

Uber a fait des petits sur le continent avec par exemple Kobo360. Cette plateforme nigériane de logistique connecte les chauffeurs de camions avec des entreprises cherchant à transporter des marchandises, modernisant ainsi la chaîne logistique traditionnelle. Implantée physiquement au Nigeria, au Ghana, en Ouganda, au Kenya, en Côte d’Ivoire, au Togo et au Burkina Faso, elle compte environ 50 000 conducteurs sur son application et dessert plus de 700 clients, allant de Dangote, à Lafarge en passant par Unilever.

Faciliter le paiement des frais de scolarité

L’éducation n’échappe pas à cette tendance à la plateformisation. Ainsi, au Cameroun, SchoolMap entend révolutionner le paiement des frais de scolarité dans les écoles publiques. Ce système permet, en effet, aux élèves de régler leurs frais de manière plus sécurisée et transparente en utilisant des services de paiement mobile comme MTN MoMo et Orange Money. Chaque élève se voit attribuer un matricule national unique, garantissant une traçabilité accrue des transactions et réduisant considérablement les risques de fraude.

Un accès aux opportunités internationales

Dans la sphère digitale aussi, les plateformes explosent. A l’image d’Andela, qui forme des développeurs en Afrique afin de répondre à la demande mondiale de talents numériques. Andela est en quelque sorte le pendant africain de l’École 42 de Xavier Niel. Son objectif : lutter contre la pénurie de talents en identifiant et formant les développeurs les plus doués d’Afrique. Car, selon les estimations, plus d’un million de postes resteraient vacants à l’échelle mondiale. Et cette pénurie de talents freine la croissance d’écosystèmes technologiques majeurs.

L’Afrique dispose justement de talents qui restent inexploités, alors même que les entreprises du monde entier sont à la recherche d’ingénieurs compétents. Andela mise donc sur le dividende démographique africain et investit dans des viviers de matière grise à fort potentiel sur tout le continent pour aider les entreprises partenaires à constituer des équipes décentralisées. À l’heure actuelle, Andela compte trois campus technologiques dans des pays anglophones : Nigéria, Kenya et Ouganda.

Plateformes digitales : des atouts considérables

Autant d’exemples qui illustrent la façon dont l’Afrique utilise les plateformes digitales pour répondre à des besoins locaux tout en intégrant des solutions globales. Avec de nombreux avantages à la clé. Primo, ces plateformes brisent les barrières physiques et géographiques, rendant des produits et services accessibles même dans les régions les plus reculées.

Secundo, elles réduisent les coûts opérationnels en optimisant les processus (logistique, paiement, éducation, etc.) et en intégrant des millions de nouveaux utilisateurs dans l’économie digitale.

Tertio, elles contribuent à créer de nouveaux métiers, que ce soit dans la technologie, la logistique ou le marketing digital.

Enfin, elles permettent à des millions d’individus d’accéder à des services financiers de manière rapide et sécurisée, même sans compte bancaire traditionnel.

Les défis de la “plateformisation” en Afrique

Toutefois, plusieurs défis majeurs subsistent pour accélérer cette digitalisation en Afrique, en particulier dans les zones rurales et mal connectées. Rappelons qu’aujourd’hui, un peu de 43 % seulement de la population africaine a accès à Internet, et ce chiffre varie fortement selon les pays. Cela limite considérablement la portée des plateformes digitales dans certaines régions. L’électricité reste également un problème fondamental, notamment dans des pays comme le Niger ou le Tchad où une part importante de la population vit sans accès stable à l’énergie.

A cela, s’ajoute le coût des données mobiles qui demeure particulièrement élevé dans plusieurs pays, ce qui freine l’utilisation des plateformes digitales et exclut les classes les plus pauvres de cette modernisation. Sans compter qu’il existe une fracture numérique majeure entre les zones urbaines et rurales. Si les grandes villes comme Lagos, Abidjan ou encore Nairobi sont bien connectées et bénéficient d’une infrastructure technologique avancée, les zones rurales, elles, restent en retrait. Ce qui atténue le rayonnement de toutes ces plateformes.

Des investissements pour améliorer la connectivité de l’Afrique

Pour que l’Afrique tire pleinement parti de cette plateformisation, l’amélioration des réseaux de télécommunications et des infrastructures électriques est cruciale. Et différents déploiements sont en cours, notamment pour l’accès à Internet. Après le câble sous-marin Equiano de Google qui connecte l’Afrique et l’Europe, en passant par le Portugal, le Togo, le Nigeria, la Namibie et l’Afrique du Sud, le géant américain a investi dans une nouvelle route de fibre optique reliant l’Afrique à l’Australie pour accroître la portée et la fiabilité de la connectivité numérique en Afrique.

Umoja, tel est le nom de cette infrastructure. La partie terrestre du réseau reliera le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, la République démocratique du Congo (RDC), la Zambie, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud. De là, une liaison sous-marine sera établie pour rejoindre l’Australie en passant par l’Océan Indien. Umoja s’inscrit dans le cadre du projet “Africa Connect” et intervient dans un contexte marqué par des pannes récurrentes sur les câbles sous-marins qui desservent le continent, provoquant des perturbations de l’Internet.

Vers des réglementations adaptées

Les gouvernements doivent par ailleurs encourager l’innovation tout en protégeant les utilisateurs. Une réglementation souple, mais protectrice, peut permettre une prolifération contrôlée des plateformes digitales. Ainsi, le projet « Policy and Regulation Initiative for Digital Africa » (PRIDA) sera accompagné d’une plateforme qui servira d’espace virtuel sécurisé. Elle permettra aux experts et décideurs africains d’échanger sur les meilleures pratiques et aussi d’entreprendre des consultations sur les questions de politique numérique qui engagent les nations africaines au niveau international. La plateforme digitale PRIDA aspire à devenir, dans les années à venir, un centre d’information commun pour toutes les politiques, législations et réglementations nationales, régionales et continentales relatives aux TIC et autres technologies numériques.

Enfin, il semble également essentiel de former la population, non seulement à utiliser ces plateformes, mais aussi à participer activement à leur création et leur gestion, via des programmes de formation en développement et en entrepreneuriat digital. L’Afrique suit donc le chemin du reste du monde en matière de plateformisation, avec une accélération remarquable de la création de plateformes digitales dans divers secteurs. Avec les bons investissements et une stratégie adaptée, l’Afrique a le potentiel de devenir un acteur majeur de l’économie digitale mondiale.

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