L’Afrique en pleine mutation
L’Afrique change d’approche concernant ses partenaires commerciaux et institutionnels. L’Europe, et surtout la France, ont créé des liens privilégiés avec l’Afrique où ils ont toujours été des investisseurs majeurs, notamment en Afrique francophone pour la France. Le moment semble venu de renouer avec une coopération ancienne afin d’appuyer le développement du continent africain, au moment où il se rapproche commercialement de la Chine.
L’Europe, et notamment la France, retrouve tout son intérêt aux yeux du continent africain comme partenaire stratégique, notamment en ce qui concerne les investissements dans les infrastructures et les investissements directs. La mutation de l’Afrique ne pourra se faire que si elle est accompagnée d’une réflexion sur la gouvernance et les politiques d’investissement.
La question de la gouvernance porte notamment sur le renforcement des comportements éthiques, la responsabilité sociale et l’atteinte d’objectifs démocratiques. L’Afrique doit encore franchir des caps importants en matière de démocratie, de transparence et de lutte contre la corruption. Au début des années 90, seuls trois pays étaient considérés comme des démocraties libres et légitimes en Afrique. Aujourd’hui, 61% des pays Africains sont considérés comme tels. Il faut reconnaître les efforts accomplis dans un laps de temps relativement court et une réelle volonté de tendre vers une société plus libre et plus démocratique.
Cette mutation politique a des impacts évidents sur les choix d’investissement, qu’ils soient politiques ou économiques. Les politiques d’investissement en matière d’éducation, d’infrastructures, de télécoms et rationalisation de la gestion des ressources et des compétences influent sur l’ensemble des agents économiques des pays, ouvrant de nouvelles opportunités aussi bien pour les acteurs locaux que pour les investisseurs étrangers.
Selon la Banque Mondiale et malgré la crise sanitaire, le continent africain a connu une croissance de 3,4% en 2019. Les secteurs en pointe sont ceux de la technologie, en particulier les télécoms et la téléphonie mobile. La transformation structurelle des pays africains accélère le rythme des besoins en matière de technologie et de digitalisation.
Les choix d’investissement devraient permettre de répondre à la demande intérieure et même la développer. Il est également primordial que l’Afrique investisse plus dans son appareil productif. En renforçant ses capacités de production manufacturière, l’Afrique serait moins dépendante des importations de produits finis et moins fragile sur les exportations de matière première. Cette action limiterait les influences extérieures en matière d’import/export et permettrait aux pays d’être plus indépendants. Permettre à de nouvelles activités d’émerger favoriserait et stimulerait le marché du travail et l’emplois.
Ces changements souhaitables sont conditionnés par les politiques d’investissement. Les économistes et les sociologues s’accordent ainsi sur le fait qu’un investissement massif dans l’éducation bénéficie à l’ensemble des activités d’un pays à l’horizon.
Aujourd’hui, l’Afrique vit une période de changements majeurs tant au niveau politique qu’économique. Chacun sait combien il est important de développer des synergies pour faire face aux nouveaux défis : ceux du changement climatique et de la pandémie de la Covid19 en sont de très bons exemples. Ces deux enjeux sont d’excellentes raisons pour nouer de nouvelles synergies et renégocier les alliances stratégiques.
Il paraît évident que le changement climatique va jouer un rôle déterminant dans les choix politiques et d’investissement des pays africains. Les effets de ce dérèglement vont rendre la région africaine vulnérable à plus d’un titre, et cela risque de rendre les pays encore plus pauvres si des décisions importantes ne sont pas prises rapidement. Il est important de noter que l’Afrique fait face à une inégalité très grande sur le sujet des changements climatiques. En effet, l’Afrique est le continent qui contribue le moins à la pollution et à l’émission de gaz à effet de serre. Elle est la source de seulement 3,8% des émissions mondiales (Source : Brookings Institution). En même temps, il s’agit du continent qui risque d’être le plus touché par le dérèglement climatique. D’après les experts, d’ici 2050, les populations devraient être confrontées à des catastrophes naturelles terribles, comme par exemple l’excès de pluie qui entraînera d’importantes inondations. Le rendement des activités agricoles pourrait être alors diminué de moitié ! L’amplification des températures risque par ailleurs de conduire à des migrations massives de populations.
La recherche d’investisseurs pour aider au développement économique dans un objectif de développement durable paraît indispensable. Des collaborations se développent déjà entre régions, notamment l’Union Africaine, le Maghreb et d’autres.
L’autre enjeu majeur du développement économique de l’Afrique est la pandémie de la Covid19. Son impact sur l’économie des pays pris individuellement est catastrophique. Les infrastructures médicales et les financements dans le domaine de la santé ne sont pas assez développés pour absorber la crise sanitaire. De plus, la fermeture des frontières empêche les échanges commerciaux et les flux de marchandises, ce qui a un impact considérable sur les approvisionnements et la production des économies locales. Cependant, cette situation est riche d’opportunités, notamment celle de repenser entièrement les chaînes d’approvisionnement et de logistique, en particulier sur le secteur agroalimentaire. C’est le moment de se concentrer sur les ressources et les compétences de chacun des pays pour répondre à la demande intérieure de chaque pays individuellement et ensuite collectivement au niveau du continent, notamment par un jeu d’alliances.
Cette crise est aussi l’occasion d’accélérer la digitalisation des entreprises et des institutions, qui permet de réduire les coûts de production, d’être plus flexibles et agiles et ainsi de répondre aux besoins de façon plus efficiente. Le commerce électronique, les Fintech et le e-learning font également partie des grands enjeux de la digitalisation des pays africains.
La mutation de l’Afrique ne se fera pas du jour au lendemain. Cependant, le caractère résilient des populations des pays du continent et la coopération entre les régions, gage d’efficacité en particulier sur la question des infrastructures, rend tout à fait envisageable un développement à même de relever les grands défis politiques, économiques et sociaux.
L’Afrique a déjà montré sa force face aux épreuves et aux défis. L’appui de partenaires extérieurs solides pour soutenir sa politique de développement pourrait lui permettre de compter rapidement parmi les puissances mondiales.