Quel avenir pour l’alliance Chine-Afrique ?
La Chine est très présente en Afrique et depuis longtemps, mais l’Afrique en profite-t-elle vraiment ? Le rapport de force est inquiétant et il ne sera pas facile, face à la toute puissance du géant asiatique, de retrouver une certaine indépendance économique. Petit rappel des faits d’une histoire où rien n’est encore joué.
Difficile de passer à côté de la pandémie que nous connaissons actuellement, celle qui a perturbé l’ensemble des pays du monde entier tant d’un point de vue économique que social. Cette situation a été le révélateur d’un certain nombre de sujets importants pour chacune des nations. Evidemment, le point important de cette période est le système de santé, et d’un point de vue plus stratégique, c’est aussi l’accès aux ressources pour permettre aux pays de continuer à vivre y compris en vase clos.
Cette situation a perturbé les flux commerciaux et a mis tous les projecteurs sur la Chine à l’origine de cette pandémie. Ce que l’on retient pour l’instant c’est que l’essor du pays du soleil levant n’est pas aussi pacifique qu’il n’y paraît. La Chine montre une toute puissance que les pays occidentaux, jusqu’à maintenant, ne voulaient pas voir ou peut-être tout simplement pas accepter. Ce qui est vrai pour l’un, l’est également pour l’autre. Les pays Africains n’échappent pas à cette règle. L’exemple flagrant de la Belt Road Initiative (BRI), ou la nouvelle route de la soie, est une arme géo-stratégique commerciale d’une puissance insoupçonnée jusqu’à maintenant. Nous le savons tous, la Chine s’est développée très rapidement sur l’ensemble du continent Africain alors que la gouvernance des 50 pays qui le compose est plutôt médiocre, le niveau de vie très faible et les ressources naturelles y sont abondantes et précieuses.
Il est important de souligner que cette stratégie Chinoise de conquête de l’Afrique n’est pas nouvelle. En effet, cette stratégie remonte aux années 60. La Chine se présente comme un allié commercial stratégique, renforçant les liens commerciaux et accordant des prêts quasiment sans limite et dans des conditions très souples comparées aux pays occidentaux. Par exemple, depuis le début des années 2000 ce n’est pas moins de 143 milliards de dollars US de prêts accordés à l’Afrique.
Prêts le plus souvent gratuits ou dans des conditions de remboursement très souple. Pas plus tard qu’en 2018, à Pékin, le gouvernement de Xi Jinping offre à nouveau une enveloppe de 60 milliards USD à l’Afrique pour financer son développement. En comparaison, la France a consenti des prêts à hauteur de 24 milliards d’euros depuis 2000, c’est à dire dix fois moins que la Chine. Quel sera l’interlocuteur privilégié de l’Afrique dans ces conditions ?
Là où la Chine est bien plus offensive que la France ou l’Europe sur le continent Africain, c’est que contrairement à nous, elle s’autorise à traiter avec les dictatures et les gouvernements non reconnus par la communauté internationale. L’approche pratique de la Chine opposée à l’approche éthique de l’Europe complique considérablement le jeu politique et commercial entre l’Europe et l’Afrique. Il faut cependant accorder à l’Afrique cette réalité que la Chine, – et même l’Asie -, est un modèle de réussite en matière de développement économique, alors que la France est un pays vieillissant avec des pratiques souvent moyenâgeuses. Il est également important de noter, qu’en Afrique, la Chine est présente dans tous les grands projets d’infrastructure, de télécommunication, et aussi de formation, d’éducation et de santé. Précisons aussi que la Chine participe également à certaines opérations de maintien de la paix.
L’Afrique au coeur d’une guerre commerciale entre l’occident et l’orient.
Quelques pays d’Afrique n’ont pas signé le traité Chinois, comme par exemple l’Erythrée ou le Bénin. Ce qui n’a pas empêché la Chine d’exploiter les mines d’or d’Erythrée ou encore d’évincer le français Bolloré au profit de la Chine dans le grand projet d’infrastructure ferroviaire entre le Bénin et le Niger. La Chine investit massivement dans le développement des infrastructures ferroviaire en Afrique, à la fois pour faciliter les déplacements et ainsi permettre à chaque pays de se développer, mais aussi dans son propre intérêt, pour faciliter l’exportation des ressources vers la Chine et faciliter son commerce avec les pays Africains. Le continent Africain est de toute évidence le terrain de guerre économique entre les grandes puissances mondiales et le nouvel eldorado dans lequel les investissements seront les plus rentables dans les 50 prochaines années. La Chine l’a très bien compris, elle investit massivement dans tous les projets qui connectent les pays et la population, comme par exemple les infrastructures portuaires, les structures énergétiques (pétrole, électricité, etc.), et surtout dans les projets locaux comme le logement, la santé et l’éducation. C’est une véritable stratégie sur le long terme, d’installation et d’exploitation de l’Afrique par la Chine. La Chine n’a pas réussi à conclure beaucoup d’accords avec des pays étrangers. Un accord a été trouvé avec l’Espagne, sur des projets d’investissement en République Démocratique du Congo, et l’Italie sur des projets d’infrastructure d’eaux au Tchad et un aéroport en Somalie.
Malgré tout, l’Afrique n’est pas dupe et résiste aux ambitions de la nouvelle grande puissance mondiale. Certains gouvernements réagissent avec leurs méthodes pour ralentir leurs projets ou stopper leur passion. Certains dénoncent de très mauvaises pratiques commerciales de la Chine, notamment de ne pas être un réel investisseur, et leur reprochent de simplement envoyer de la poudre aux yeux le temps de prendre ce qui les intéresse. A Madagascar, des protestations ont éclaté quand une entreprise Chinoise a souhaité démolir une église et une école pour exploiter les terres minières. L’éthique et l’ambition des Chinois montrent des limites et surtout l’absence totale d’intérêt pour les populations locales. Aujourd’hui, et après 60 ans d’investissements chinois, les gouvernements africains commencent seulement à s’inquiéter sérieusement de la dette croissante envers la Chine, comprenant qu’ils vont devoir payer pour avoir donné leurs ressources. La Chine détient aujourd’hui un tiers de la dette Africaine. Pour le Kenya c’est plus de 70% de sa dette, Djibouti est passé à 85% de son PIB. L’Afrique est aujourd’hui tenue financièrement par la Chine. De ce fait, les pays s’opposant à la Chine sont maintenant nombreux comme par exemple la Zambie, le Niger, le Gabon, l’Ouganda, Sierra Léone, l’Egypte, le Maroc, etc.
Les tensions grandissent entre l’Afrique et la Chine, le temps de la réconciliation avec l’Europe est venu ; l’Europe, qui a toujours maintenu des relations stratégiques importantes avec l’Afrique, et plus particulièrement la France qui continue aujourd’hui encore à investir et maintenir la paix et la stabilité dans de nombreux pays d’Afrique. La pandémie est finalement une opportunité pour l’Afrique de se recentrer sur ses ressources et ses compétences pour exploiter elle-même ses ressources, avec le soutien d’alliés stratégiques historiques comme la France et d’autres pays Européens. Nous arrivons à un virage important dans l’histoire du développement de l’Afrique et les décisions qui vont être prise par les différents gouvernements vont être déterminants pour l’avenir de l’Afrique. La réalité de la Chine en Afrique, c’est qu’aujourd’hui la Chine semble tirer davantage de profits que les pays d’accueil. Tous les investissements de la Chine depuis les années 60 n’ont servi que les intérêts des entreprises Chinoises présentent sur le continent. L’Afrique vient de se réveiller et la renégociation va pouvoir commencer.